Par Edward LORNE, diplômé de l’Institut des Hautes Etudes de Droit Rural et d’Economie Agricole. Expert Forestier agréé par le Conseil National de l’Expertise Foncière, Agricole et Forestière, membre d’Experts Forestiers de France, spécialiste des problématiques juridiques et fiscales propres aux actifs forestiers.
La Forêt est-elle touchée par l’Impôt sur la Fortune Immobilière ?
Sur un plan juridique, la forêt est un bien immeuble par nature. Elle est constituée d’un sol, au sens de l’article 518 du Code Civil et d’arbres qui peuvent être assimilés selon l’article 520 du Code Civil à: « des récoltes pendantes par les racines […] non encore recueillis ». De ce point de vue, la forêt rentre donc sans conteste dans le champ d’application du nouvel Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI).
Sur un plan fiscal, l’analyse est pourtant plus nuancée. Je rappelle que l’article 63 du Code Général des Impôts stipule que les bénéfices qui proviennent de la production forestière, même si les propriétaires se bornent à vendre des coupes de bois sur pied, sont imposés au titre des Bénéfices Agricoles et non des Revenus Fonciers. La forêt est alors considérée comme un outil de production dans le cadre d’une activité agricole.
En l’état actuel du droit, je conseille toutefois de ne pas soustraire les actifs forestiers détenus en nom propre d’un patrimoine taxable à l’IFI d’autant qu’il existe des outils pour en atténuer l’incidence financière.
Justement, que devient le mécanisme d’exonération partielle propre à l’ISF ?
C’est une bonne nouvelle de la Loi de Finances pour 2018. Les dispositions de l’article 793 du Code Général des Impôts prévoyant une exonération des trois quarts au titre de l’ISF sont transposées à l’identique à l’IFI. Il n’y a donc pas lieu de prendre le risque d’un redressement alors qu’il suffit de disposer d’un certificat administratif délivré par la Direction Départementale des Territoires pour être en grande partie exonéré.
Existe t’il malgré tout une possibilité d’y échapper totalement ?
Oui, effectivement. Comme pour d’autres classes d’actif, il est possible de déclarer la forêt comme bien professionnel et bénéficier dans ce cas d’une exonération à 100%. Attention toutefois car l’administration fiscale sera particulièrement vigilante sur les critères d’appréciation. Sans développer, rappelons seulement que l’article 885 du Code Général des Impôts en limitait le bénéfice: « aux biens nécessaires à l’exercice, à titre principal, tant par leur propriétaire que par le conjoint de celui-ci, d’une profession industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale ». Le passage de l’ISF à l’IFI est aussi l’occasion pour le législateur, à travers l’article 975 de la Loi de Finances, de renforcer les points de contrôle. Il convient donc d’être très prudent et d’argumenter solidement sa position.
Outre cette disposition bien connue, la Loi de Finances pour 2018, et plus particulièrement l’article 965, pourrait laisser croire à une possible exonération des actifs forestiers détenus par le biais de parts sociales de Groupement Forestier en raison de l’activité agricole à laquelle il se rattache (uniquement pour les porteurs de parts détenant moins de 10% du capital social). En effet, le texte allège significativement les critères à respecter connus dans le cadre d’une qualification de biens professionnels pour ne retenir que la nature de l’activité.
A mon sens, il s’agit pourtant d’une vision en trompe l’œil puisque le législateur rappelle ensuite à l’article 966 de la Loi: « n’est pas considérée comme une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale l’exercice par une société ou un organisme d’une activité de gestion de son propre patrimoine immobilier ». Or, le Groupement Forestier est bien une Société Civile Immobilière dont l’objet social est clairement la constitution, l’amélioration, l’équipement, la conservation ou la gestion d’un ou plusieurs massifs forestiers.
En conclusion, le passage de l’ISF à l’IFI ne génère finalement presque aucun changement sur le placement forestier si ce n’est qu’il perd, sur ce point, un peu d’attractivité par rapport à d’autres supports d’investissement totalement exonérés.